Namur
voit actuellement une partie de son patrimoine archéologique menacée
par des projets d'aménagement urbain.Des dossiers qui ne sont pas sans
rappeler l’affaire de la Maison des Parlementaires…
Le site archéologique des Dames Blanches
Le
premier projet concerne le site des Dames Blanches au cœur du centre
historique de Namur à un endroit où, selon les sources historiques, fut
implanté un couvent daté de la fin du Moyen Âge. Les parcelles
concernées sont en outre localisées à proximité d’un ancien lieu-dit -
la "Motte-le-Comte" - toponyme troublant qui pourrait trahir la
présence de vestiges archéologiques antérieurs à l'An Mil.
En
octobre dernier donc, une opération a été lancée par l’AWaP, mais cette
dernière fut, d’après nos informations, arrêtée par la Ville de Namur
fin d’année qui aurait exigé un avenant au protocole d'accord en
demandant d’y inclure des indemnités qui ne figuraient pas dans la
convention initiale. Cette information, si elle venait à se confirmer,
est importante car elle serait en contradiction avec les déclarations
faites par l’échevin en charge des Espaces Verts de la Ville de Namur.
L'opération archéologique au Parking Rogier
Le
second projet d’aménagement est celui du Parking Rogier, proche du
Grand Manège. L’aménagement est également situé dans le centre ancien
de Namur, sur un vaste site archéologique situé à l'intérieur du tracé
de l’enceinte médiévale. Ici, la Ville de Namur aurait purement et
simplement demandé à l’AWaP de n’organiser aucune opération… et ce,
afin de gagner du temps étant donné que des fonds européens sont en jeu.
Or,
les travaux envisagés se concentrent à l'emplacement de l'hôpital
militaire construit par Vauban lui-même. Là encore, seules les fouilles
pourraient déterminer l’importance des vestiges. Malheureusement, les
archéologues devront vraisemblablement ranger leurs truelles faute de
pouvoir faire autrement.
Des décisions problématiques au regard de la réglementation wallonne
Concernant
les Dames Blanches, nous nous interrogeons sur les motivations réelles
qui ont poussé l’AWaP à clôturer le chantier. Les explications
défendues par la Ville par voie de presse semblent peu convaincantes et
il serait logique que l’AWaP puisse faire connaître sa position dans ce
dossier.
Sur les plans scientifique et éthique, qu’adviendra-t-il
donc des restes humains susceptibles d’être découverts sur le site d’un
ancien couvent ? Seront-ils bennés et envoyés à la décharge ? Quid des
autres vestiges ? Inutile ici de rappeler qu’un site tel que celui-ci
ne recèle pas uniquement des vestiges au sens de bâtis, fondations et
murs en élévation, mais également des sépultures regroupées au sein
d’un ou de plusieurs cimetières. La destruction annoncée - et qui
semble parfaitement assumée par la Ville de Namur - est proprement
scandaleuse !
Concernant les vestiges situés sur le Parking Rogier,
comment se fait-il qu'aucune opération archéologique ne soit
actuellement programmée ? L’intérêt sur le plan historique est certain
et vu la vocation des lieux, des sépultures ne sont pas là non plus à
exclure.
Prises ensemble, ces deux affaires détonnent quelque peu :
qu'est-ce qui pourrait justifier que les responsables de l'archéologie
ainsi que la Ministre de tutelle - Madame Valérie Lescrenier (Les
Engagés) - ne fassent pas respecter le nouveau Code du Patrimoine ?
Nous
le savons : le Code du Patrimoine vise à protéger le patrimoine
archéologique "en tant que source de la mémoire collective européenne
et comme instrument d'étude historique et scientifique" (Convention La
Valette, 1992, ratifiée par la Belgique). Or, nous avons le sentiment
qu’ici, à Namur, il y a une sorte d’archéologie à la carte où, pour des
raisons obscures, l’obligation de fouiller se mue un peu trop
facilement en un « circulez, il n’y a rien à voir… ».
Des
destructions assumées dans un contexte d’une ville qui cherche à se
positionner en tant que capitale européenne de la Culture ?
Si les
destructions évoquées devenaient réalité, ne risqueraient-elles pas de
faire tache dans le contexte d’une ville, de surcroît capitale
wallonne, qui aspire à devenir en 2030… capitale européenne de la
Culture ? Bonne ou mauvaise presse.
Hasard du calendrier, en avril
prochain, seront par ailleurs célébrés les 10 ans de la Déclaration de
Namur (2015), document de référence qui est le fruit d’une concertation
des ministres européens en charge du Patrimoine prise à l’initiative
notamment d’un certain… Maxime Prévot, aujourd’hui bourgmestre de Namur
et président des Engagés. Une déclaration au terme de laquelle les
États concernés s’engageaient à "donner les moyens adaptés au secteur
public pour être plus efficace en vue de l’amélioration de la qualité
de la vie et du cadre de vie", mais aussi à "améliorer la capacité de
gestion du patrimoine culturel par le secteur public pour gérer le
patrimoine comme une véritable ressource locale et régionale", ou
encore à "renforcer le rôle du patrimoine culturel dans l’aménagement
des espaces publics, analyser les risques pour le patrimoine culturel".
De
notre point de vue, Namur se doit de montrer l'exemple en matière de
protection de son patrimoine archéologique. Ici, la réglementation
wallonne impose des recherches et fouilles archéologiques préventives
et nous ne doutons pas que la Ministre en charge du Patrimoine la fera
pleinement respecter. Dès aujourd’hui, nous appelons toutes les parties
à revenir autour de la table et à œuvrer pour un compromis acceptable
tant pour les deux projets d’aménagement que pour les besoins de la
recherche, de l’archéologie et de l’intégration éventuelle des vestiges
susceptibles d’être découverts. |