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Actualité de l'archéologie et du patrimoine culturel

Communiqué - Namur: une archéologie préventive à la carte? Ou quand le sous-sol archéologique passe à la trappe... (Communauté Historia, 31 janvier 2025)

Communiqué de soutien aux archéologues face au pillage et à la destruction du site archéologique carolingien d'Herstal (Communauté Historia, 6 février 2025)

Pierre-Emmanuel Lenfant
Vice-président de l'ASBL Communauté Historia

Namur voit actuellement une partie de son patrimoine archéologique menacée par des projets d'aménagement urbain.Des dossiers qui ne sont pas sans rappeler l’affaire de la Maison des Parlementaires…

Le site archéologique des Dames Blanches

Le premier projet concerne le site des Dames Blanches au cœur du centre historique de Namur à un endroit où, selon les sources historiques, fut implanté un couvent daté de la fin du Moyen Âge. Les parcelles concernées sont en outre localisées à proximité d’un ancien lieu-dit - la "Motte-le-Comte" - toponyme troublant qui pourrait trahir la présence de vestiges archéologiques antérieurs à l'An Mil.
En octobre dernier donc, une opération a été lancée par l’AWaP, mais cette dernière fut, d’après nos informations, arrêtée par la Ville de Namur fin d’année qui aurait exigé un avenant au protocole d'accord en demandant d’y inclure des indemnités qui ne figuraient pas dans la convention initiale. Cette information, si elle venait à se confirmer, est importante car elle serait en contradiction avec les déclarations faites par l’échevin en charge des Espaces Verts de la Ville de Namur.

L'opération archéologique au Parking Rogier

Le second projet d’aménagement est celui du Parking Rogier, proche du Grand Manège. L’aménagement est également situé dans le centre ancien de Namur, sur un vaste site archéologique situé à l'intérieur du tracé de l’enceinte médiévale. Ici, la Ville de Namur aurait purement et simplement demandé à l’AWaP de n’organiser aucune opération… et ce, afin de gagner du temps étant donné que des fonds européens sont en jeu.
Or, les travaux envisagés se concentrent à l'emplacement de l'hôpital militaire construit par Vauban lui-même. Là encore, seules les fouilles pourraient déterminer l’importance des vestiges. Malheureusement, les archéologues devront vraisemblablement ranger leurs truelles faute de pouvoir faire autrement.

Des décisions problématiques au regard de la réglementation wallonne

Concernant les Dames Blanches, nous nous interrogeons sur les motivations réelles qui ont poussé l’AWaP à clôturer le chantier. Les explications défendues par la Ville par voie de presse semblent peu convaincantes et il serait logique que l’AWaP puisse faire connaître sa position dans ce dossier.
Sur les plans scientifique et éthique, qu’adviendra-t-il donc des restes humains susceptibles d’être découverts sur le site d’un ancien couvent ? Seront-ils bennés et envoyés à la décharge ? Quid des autres vestiges ? Inutile ici de rappeler qu’un site tel que celui-ci ne recèle pas uniquement des vestiges au sens de bâtis, fondations et murs en élévation, mais également des sépultures regroupées au sein d’un ou de plusieurs cimetières. La destruction annoncée - et qui semble parfaitement assumée par la Ville de Namur - est proprement scandaleuse !
Concernant les vestiges situés sur le Parking Rogier, comment se fait-il qu'aucune opération archéologique ne soit actuellement programmée ? L’intérêt sur le plan historique est certain et vu la vocation des lieux, des sépultures ne sont pas là non plus à exclure.
Prises ensemble, ces deux affaires détonnent quelque peu : qu'est-ce qui pourrait justifier que les responsables de l'archéologie ainsi que la Ministre de tutelle - Madame Valérie Lescrenier (Les Engagés) - ne fassent pas respecter le nouveau Code du Patrimoine ?

Nous le savons : le Code du Patrimoine vise à protéger le patrimoine archéologique "en tant que source de la mémoire collective européenne et comme instrument d'étude historique et scientifique" (Convention La Valette, 1992, ratifiée par la Belgique). Or, nous avons le sentiment qu’ici, à Namur, il y a une sorte d’archéologie à la carte où, pour des raisons obscures, l’obligation de fouiller se mue un peu trop facilement en un « circulez, il n’y a rien à voir… ».

Des destructions assumées dans un contexte d’une ville qui cherche à se positionner en tant que capitale européenne de la Culture ?

Si les destructions évoquées devenaient réalité, ne risqueraient-elles pas de faire tache dans le contexte d’une ville, de surcroît capitale wallonne, qui aspire à devenir en 2030… capitale européenne de la Culture ? Bonne ou mauvaise presse.

Hasard du calendrier, en avril prochain, seront par ailleurs célébrés les 10 ans de la Déclaration de Namur (2015), document de référence qui est le fruit d’une concertation des ministres européens en charge du Patrimoine prise à l’initiative notamment d’un certain… Maxime Prévot, aujourd’hui bourgmestre de Namur et président des Engagés. Une déclaration au terme de laquelle les États concernés s’engageaient à "donner les moyens adaptés au secteur public pour être plus efficace en vue de l’amélioration de la qualité de la vie et du cadre de vie", mais aussi à "améliorer la capacité de gestion du patrimoine culturel par le secteur public pour gérer le patrimoine comme une véritable ressource locale et régionale", ou encore à "renforcer le rôle du patrimoine culturel dans l’aménagement des espaces publics, analyser les risques pour le patrimoine culturel".

De notre point de vue, Namur se doit de montrer l'exemple en matière de protection de son patrimoine archéologique. Ici, la réglementation wallonne impose des recherches et fouilles archéologiques préventives et nous ne doutons pas que la Ministre en charge du Patrimoine la fera pleinement respecter. Dès aujourd’hui, nous appelons toutes les parties à revenir autour de la table et à œuvrer pour un compromis acceptable tant pour les deux projets d’aménagement que pour les besoins de la recherche, de l’archéologie et de l’intégration éventuelle des vestiges susceptibles d’être découverts.


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