Monsieur
le Professeur, tout d’abord, je tenais à vous
remercier d’avoir répondu favorablement
à cette requête.
Cette dernière
s’inscrit d’ailleurs dans le prolongement
d’un débat citoyen organisé
à Tournai le 25 septembre dernier.
La Ville
de Tournai organise le 25 octobre prochain une consultation populaire
concernant l’avenir d’un édifice
classé et emblématique, le Pont des Trous. Afin
que tout un chacun puisse comprendre, pourriez-vous nous
définir en quelques mots ce qu’est une
consultation populaire ?
La consultation populaire est un mécanisme de
démocratie participative par lequel l'avis de la population
d'une commune est demandé sur un projet
d'intérêt communal. L'opinion émise
n'équivaut pas à un referendum mais
pèse néanmoins d'un poids certain sur la
décision qui sera prise ensuite, pour autant qu'un
résultat puisse s'en dégager..
La Loi
communale est claire. Des procédures spécifiques
sont prévues. Quelles sont-elles ?
Le CWADEL prévoit deux procédures
spécifiques : soit la consultation populaire est faite sur
l'initiative d'un nombre d'habitants (3.000 au minimum), soit sur
initiative communale et décidée par le Conseil
communal. Tel a été le cas pour Tournai.
Ensuite, la consultation se déroule selon les
mêmes modalités : participation non obligatoire,
participation possible dès l'âge de 16 ans, vote
secret, dépouillement si 10 % de participation.
Lorsqu’on parle d’un taux de participation de 10%
vise-t-on le nombre total d’habitants ou uniquement
– et plus logiquement – le nombre total de
participants ayant 16 ans ou plus ?
Pour ma part, je pense qu'il faudrait distinguer les habitants d'une
commune, les électeurs en âge de voter (18 ans au
moins) et les participants potentiels à une consultation
populaire communale; Il n'y a pas lieu de tenir compte du nombre
d'électeurs puisque la participation est plus large. Il n'y
a pas lieu non plus de tenir compte de tous les habitants, puisque tous
ne peuvent pas participer (notamment ceux qui ont moins de 16 ans).
L'interprétation raisonnable du texte consiste à
vérifier si 10 % des participants potentiels se sont
déplacés et ont voté. Dans
l'affirmative, le dépouillement doit avoir lieu,
même si le nombre de participants venus est
inférieur à 10 % des habitants.
Lors du
débat-citoyen de vendredi, vous avez eu l’occasion
de consulter la brochure explicative envoyée par
l’Administration communale de Tournai. Quelque chose vous
a-t-il surpris ?
La brochure explicative est surprenante par le fac-similé du
bulletin de vote qui sera présenté; Il comporte
des mentions qui, à mon sens, sont illégales.
En somme,
vous nous déclarez que la brochure explicative
n’est pas "objective" au sens de la Loi
communale. Est-elle pour autant "illégale" ?
Je n'ai pas dit que la brochure n'était pas objective, mais
bien qu'elle était illégale en ce qu'elle
imposait :
- que l'on réponde aux deux questions ;
- et que l'on réponde de manière
différente à chacune des questions.
A mon estime, le citoyen est libre de ne répondre
qu'à une seule des questions ou à aucune. De
même, il est libre de répondre comme il l'entend
à chacune des questions, au besoin, de la même
manière.
Le
citoyen est-il donc libre de voter, le cas
échéant, « non » aux deux
options retenues pour la consultation ?
Eu égard à la réponse fait
à la question précédente, la
réponse est oui : le citoyen est libre de voter deux fois
non, estimant qu'aucune des deux options retenues n'est satisfaisante
à son estime.
Vu le
caractère "illégal" soulevé, l’avenir du scrutin est-il en
jeu ? La Ville de Tournai dispose-t-elle encore d’une marge
de manœuvre ?
Pour éviter de s'enfoncer dans des discussions juridiques,
il serait opportun que la ville renonce aux mentions
annoncées dans la brochure explicative.
A défaut, lors du dépouillement, des
difficultés d'interprétation
apparaîtront entre les bureaux de vote. En outre,
à bien y réfléchir, un citoyen peut
être contre les deux projets, ou, au contraire,approuver
chacun des deux projets ou ne préférer qu'un des
deux. Dans chaque cas, il exprime son opinion à propos de la
consultation en cours. L'autorité pourra aisément
déterminer lequel des deux projets reçoit le plus
d'approbation ou est le moins populaire ou encore, le cas
échéant, constater qu'aucun des deux projets
n'entraîne une adhésion.
Pour
conclure, ex cathedra, depuis Bruxelles, un projet a-t-il retenu votre
attention ?
Depuis Bruxelles, je regrette un peu que les deux projets ne respectent
pas la physionomie actuelle des lieux. D'autres projets me semblent
avoir circulé, notamment avec un pont en pierre
élargi, mais conservant des arcs en ogive qui me paraissent
plus respectueux de la situation existante. Mais il faut constater que
cette option n'est pas proposée aux citoyens tournaisiens.
Mon opinion n'est toutefois que personnelle.
* * * *
François TULKENS, Professeur de droit administratif aux Facultés
universitaires de Saint-Louis à Bruxelles et Avocat au Barreau de
Bruxelles
Bruxelles, le 29 septembre 2015
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