France - "Le
château de Suscinio : rencontre avec Karine Vincent,
archéologue médiéviste et responsable
scientifique du site" (Archeologia.be, 29 septembre 2016)
Reportage réalisé par Pierre-Emmanuel LENFANT
Archeologia.be
Morbihan - Septembre 2016
Le château de Suscinio, construit durant la
première moitié du XIIIe siècle a
évolué, s'est agrandi et renforcé au
cours du Moyen Âge offrant à la fin du XVe
siècle, une image saisissante de l'architecture fastueuse
des ducs de Bretagne, à la fois lieu de résidence
et en cas de conflit, forteresse. C'est très certainement
à la force évocatrice de son architecture,
combinée à la renommée de ses
occupants, que Suscinio doit de compter parmi les sites
emblématiques qui façonnent la
représentation que tout un chacun peut se faire du
château médiéval.
Situé dans la presqu'île de Rhuys au bord de
l'océan, dans la commune de Sarzeau, le monument, si
patiemment restauré depuis près de cinquante ans,
concentre tous les regards au point de faire oublier aux visiteurs
qu'une grande partie de son environnement
médiéval a disparu. Pièce
maîtresse, le château s'accompagnait de
bâtiments artisanaux et domestiques, de vergers, parcs,
étangs, vignes, moulins, salines qui formaient le domaine
duquel dépendaient les ressources économiques. Le
château lui-même a souffert de nombreuses
vicissitudes : faits de guerre, projet architectural
inachevé, puis manque d'entretien faute de moyens suffisants
au XVIIIe siècle et finalement pillage de ses belles pierres
après la Révolution française,
entraînent un délabrement important du
château qui conduit Prosper Mérimée
à le classer en 1840 sur la toute première liste
des monuments historiques.
Depuis 2011, un programme de recherche est engagé,
porté par le Département du Morbihan et avec le
soutien des services de l'État.
L’évolution des systèmes de
défense, des techniques de construction, des
éléments résidentiels, la connaissance
du mode de vie des habitants du château au quotidien
à travers la nourriture, l'habillement ou le jeu, les liens
qu'entretenaient le château avec les autres lieux de pouvoir
ou avec son domaine, sont autant de pistes de recherche qui permettront
de comprendre la place qu'occupait Suscinio dans l'échiquier
politique, mais aussi d'enrichir les connaissances sur la
société médiévale puis
moderne. Pour cela, c’est non seulement le château
qui est étudié mais également son
domaine, conjuguant les approches archéologiques,
historiques et architecturales dans une perspective
d’étude globale.
Depuis 2013, la fouille archéologique se concentre sur
l'étude du flanc nord de la cour du château,
correspondant à l'emprise d'un ancien logis, noyau primitif
à partir duquel s'est développé le
château au cours des XIIIe-XVIe siècles. Ainsi,
elle a déjà permis de
révéler l'organisation interne de son
rez-de-chaussée, avec ses cuisines et une grande salle de
stockage. Les différentes études
menées par une équipe pluridisciplinaire
permettent d'identifier divers aspects en lien avec cette grande
demeure aristocratique à travers une lecture fine de ses
objets et des traces laissées par l'homme. Le cadre de
travail et de possibilités offert par une fouille
archéologique programmée de cette envergure,
permet de mener des études systématiques et
abouties, qui à terme offriront une histoire
renouvelée du château de Suscinio et de son
domaine.
Si les restaurations et les recherches se poursuivent, quelques
découvertes et un premier bilan ont
été présentés dans un
ouvrage paru en juin 2016, sous le titre Suscinio, un château
des ducs de Bretagne (édité par le
Département du Morbihan). Richement illustré, ce
carnet de visite propose une lecture chronologique du site à
partir des éléments historiques et
archéologiques mis au jour ces dernières
années.
Orientations bibliographiques * Suscinio, un château des
ducs de Bretagne, édité par le
Département du Morbihan, Saint-Thonan, juin 2016.
* Châteaux et modes de vie au temps des ducs de Bretagne,
XIIIe-XVIe siècle, A. Salamagne, J. Kerhervé, G.
Danet (dir.), Presses universitaires de Tours-Presses universitaires de
Rennes, 2012.
* P. André, Les pavements médiévaux du
château de Suscinio, Saint-Thonan, Conseil
général du Morbihan, 2003.
Depuis le sud-ouest, le château offre un beau panorama sur
son
évolution architecturale avec à gauche une
tour-mixte
dotée de canonnières et un vaste logis
à quatre
niveaux, datés du XVe siècle. Une ancienne tour
quadrangulaire talutée et percée de petites
fenêtres témoigne des premières
occupations du site
au XIIIe siècle. Au centre, le bastion triangulaire renvoie
au
XVIe siècle.
Le chantier de fouille s'étend sur plus
de
550 m², le long de la courtine nord.
Au fond à droite, le grand logis
d'entrée de la fin du XIVe siècle.
Les douves ceinturant
le château ont été maintes fois
creusées, élargies, comblées au fil
des
siècles.
C'est au cours des travaux de restauration du XXe siècle que
les douves ont été remises en état.
L'entrée du château,
à l'est, est dominée par un corps de logis
à 5 niveaux encadré de deux
tours.
Ici, la tour des Salines rappelle l'importance du sel dans
les
ressources économiques du domaine.
Vue du château depuis la chapelle hors
les murs située sur la contrescarpe sud.
Le logis d'entrée avec la tour des
Salines à gauche et la tour
Saint-Nicolas à droite qui accueille l'oratoire ducal.
Cet ensemble
monumental, édifié par Jean IV à la
fin du XIVe s., met en scène la
puissance du duc qui avait besoin d'affirmer son autorité.
Vue de la cour du château depuis le haut
de la courtine nord.
La charpente de la Tour Neuve (datée du
XVe siècle) a été
entièrement refaite
au cours de la seconde moitié du XXe siècle,
à
partir de sources écrites.
Vue de l'intérieur de la grande
salle du logis d'entrée (au 3ème niveau).
Depuis cette pièce, on accède
à l'oratoire.
Coquille vide au XIXe siècle, les sols et plafonds sont
réapparus au XXe siècle
dans un contexte de restauration régit par la
Charte de Venise.
Le logis ouest s'élève sur 4
niveaux,
scindés en 3 travées. Chacune des
pièces est dotée de fenêtres
à
coussièges et d'une cheminée.
Sur cette élévation interne
d'un refend du logis ouest, on observe en partie basse
ce qui formait
au XIVe s. le gouttereau d'un autre logis, au nord.
Au centre, le mur
correspond à la greffe du logis ouest (au XVe
siècle) sur le logis nord
antérieur.
La partie haute, avec sa cheminée, correspond à
un ajout
postérieur (XVIe siècle).
Les traces laissées dans le
bâti ont permis de redessiner le tracé du lambris
de charpente au
moment de sa restauration.