"Du
Passé faites table rase" : tel est
l’adage
résumant le mieux la situation actuelle. Ne faites-vous pas
fausse route ?
Oui, l’histoire se souvient que le Pont des Trous a souffert
des affres de la Guerre et qu’il a dû
s’adapter aux contraintes économiques
d’une époque. Mais les choix qui furent ceux de
nos prédécesseurs ont toujours
été guidés avec l’esprit de
préserver une certaine authenticité.
Dès lors, pourquoi devrait-il en être autrement
aujourd’hui ? Des contraintes techniques ? Des
moyens...? Assez !
L’orientation que vous souhaitez donner à notre
emblème relève d’une pure fantaisie
architecturale. A l’instar de la Tour Michelin,
un tel projet
semblera incompréhensible pour les
générations futures. Face à ce point
de vue tranché, certains rétorqueront :
« Assez du Passé, Tournai vers l’Avenir
! » Ce courant doit-il être
écouté ? Bonne question et un constat : un peu
partout, le retour à l’histoire se conjuguant au
Présent est de plus en plus manifeste. La ville de Lille a
connu un renouveau économique auquel le patrimoine fut
grandement associé… Aurait-elle fait le choix de
détruire une partie de son cœur historique en
tentant une escapade contemporaine ? Bien sûr que non. Au
contraire, Lille a su mobiliser tous ses aspects et a pu se tourner
vers l’avenir en ne gommant ses origines.
Il y a quelques semaines, certains se sont fait le porte-parole
d’une identité
wallonne trop souvent mise en
sourdine, pour ne pas dire oubliée. Dans le cas
présent, ne l’avez-vous justement pas
oublié ? Serrer des mains est important, quelques accolades
aussi, mais si vous vous étiez entêté
à écouter ce qui définit
l’identité tournaisienne, sans nul doute, nombreux
d’entre nous se seraient accordés…
évoquant festivités et patrimoine.
Cathédrale, Beffroi et… Pont des Trous.
Alors oui, si dans la discrétion de vos Cabinets, vous
souhaitez revisiter un aspect de notre identité, assumez,
mais en agissant de la sorte vous deviendrez, pour beaucoup, un simple
fossoyeur du patrimoine tournaisien, et plus largement, wallon.
Une des enseignantes côtoyée alors que
j'étudiais à Paris n'a jamais manqué
de me rappeler mes origines. Une chose était certaine pour
ce Professeur - entretemps devenu Chevalier de la Légion
d’honneur - : si Tournai avait été
française, elle serait l'un des fers de lances du patrimoine
culturel de son pays. Or, on ne peut dire que la Wallonie
apprécie fondamentalement son patrimoine. Outre le fait que
ce nouvel épisode le consacre, Tournai a connu ces
dernières années de nombreuses
péripéties qui attestent d’une absence
de considération politique à cause
d’une Cathédrale qui polarise – et
crispe – une partie des attentions.
Promouvoir une identité, c’est surtout et avant
tout valoriser les différents aspects qui
définissent nos terroirs culturels. Un monument
n’a de sens qu’au regard de l’attachement
qu’une société lui porte. Le Pont des
Trous ne déroge pas à la règle. De
nombreux Tournaisiens y sont attachés en tant que symbole.
L’identité est là… palpable,
manifeste, certaine. Certes, les détracteurs y verront
peut-être une approche rétrograde ou encore un
conservatisme exacerbé. C’est un point de
vue… ouvert aux débats.
Toutefois, un proverbe assyro-babylonien nous rappelle que "Le Futur
est ce qu’il y a derrière nous". Or,
faire croire
que le projet actuel relèvera du patrimoine du demain
relève d’une malhonnêteté
intellectuelle car il est très difficile de le
déterminer a priori. Le choix du matériau trahit
déjà la finitude d’une architecture
dépassée.
Au regard des vicissitudes qu'a connu le bâtiment, des
adaptations sont possibles et doivent être
entreprises pour
ne pas pénaliser l'activité
économique. Plus que quiconque, nous en sommes conscients.
Toutefois, cette "audace" architecturale doit se faire dans le respect
du Monument. D'autres alternatives s'offrent à vous.
Au terme de ce plaidoyer, je vous prie dès lors d'acter de
mon profond
désaccord au regard du projet retenu et, vu
l’absence pour les Tournaisiens de s’exprimer
autrement, j’invite toutes les personnes contre le projet
actuel à adresser - avant le 19 novembre 2013 -
leurs
remarques au Collège Communal de la Ville de Tournai, Rue
Saint-Martin, 52 à 7500 Tournai avec une copie au Service
Public de Wallonie - Direction des Voies hydrauliques de Tournai - rue
de l’Hôpital Notre-Dame, 2 à 7500
Tournai.
Signalons enfin que ce plaidoyer a trouvé un large
écho auprès d'une page Facebook
créée le 6 novembre dernier:
"Préservons
l'identité du Pont des Trous,
Monument emblématique de Tournai".
En l'espace de 10 jours, 2200 citoyens l'ont rejoint et conteste, elles
aussi, le bien-fondé du projet retenu.
Pierrre-Emmanuel
LENFANT
13 novembre 2013
mise
à jour : 15 novembre
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