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Archeologia.be - L'Abécédaire de l'Archéologie
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Une « Fibule en or » découverte par un prospecteur vendue sur Ebay pour 10.000 euros 

"Fibule en or"... Le titre de l’annonce portant la référence n°261334682882 interpellait quelque peu
(note 0)

Le descriptif qui s’en suivait mit davantage mal à l’aise : "Bonjour, voila une fibule celtique en or pur "environ 7 grammes" ; magnifique travail effectué sur l’objet - me demander photos supplémentaires si intéressé, bonnes enchères".

Fallait-il mettre en doute l'authenticité de cette annonce? Le vendeur comptabilisait déjà 18 évaluations sur son profil et était inscrit sur Ebay depuis septembre 2009. 

Adossé à ma chaise, une question viendra me tarauder l’esprit : comment un tel objet a-t-il pu atterrir ainsi sur Ebay ?

Pierre-Emmanuel LENFANT
Archeologia.be, 25 novembre 2013

dernière mise à jour : 29 novembre 2013




Une « Fibule en or » vendue sur Ebay ce jour pour 10.000 euros (Archeologia.be, 25 novembre 2013)
Je me suis alors rappelé avoir lu sur un forum le récit d’une découverte comparable et qui, déjà à l’époque, avait fait couler beaucoup d’encre. La question à…. 10.000 euros était la suivante : s’agissait-il de la même "fibule" que celle vendue sur Ebay ? Une rapide recherche, quelques clics et une confirmation : oui, c’est bien d’elle dont on parlait.

Dans un article paru le 19 avril 2013, le site monnaiesdetections.com relatait une découverte effectuée par un prospecteur et s'enthousiasmait en écrivant : "Magnifique trouvaille faite à la Billebaude dans un petit bois du Gers par un prospecteur qui a désiré rester anonyme : un restant de bijou antique, un pectoral peut-être, bien que la taille (55 à 60 mm dans sa plus grande longueur) le rende un peu petit pour ce type de bijou. Le travail est d’une minutie magnifique, la base du pectoral est un fil d’or enroulé sur lui-même tour après tour pour constituer la plaque"

Dans ce même article, l’auteur précisa que le "bijou" était vraisemblablement d’origine celtique – "Ve-IIIe avant notre ère" - et conseilla même à "l’inventeur" de "tenter de découvrir les petites parties manquantes", et ce, "non pas au détecteur mais à la batée en lavant la terre et de se rapprocher d’un officiel de la culture si ce dernier ne partage pas la vindicte d’une certaine association virulente" (note 1).

En résumé donc, un prospecteur fait une découverte exceptionnelle qui présente un intérêt scientifique indéniable. Plutôt que d’en aviser les Services compétents, il préfère interroger un site dédié à la prospection et décide, quelques mois plus tard, de la proposer à la vente sur Ebay. Dans de ce cas-ci plus que dans tout autre, il s’agit d’un véritable scandale.

Scandale car, quand bien même les circonstances de la découverte sont sujettes à caution, l’importance de la découverte aurait dû faire réagir ce prospecteur. A-t-il réellement conscience de la perte scientifique et l’importance de cette découverte ? En effet, sur la base d’une déclaration de découverte fortuite, une fouille aurait pu être menée et cette dernière aurait vraisemblablement permise de mieux comprendre, outre le contexte, le statut social de la personne à qui appartenait cette parure. Sur le plan pénal, outre l’usage d’un détecteur, constatons l’absence de déclaration d’une découverte fortuite et aussi le commerce d’un bien archéologique issu d’une fouille clandestine.

Or, que dit la loi au sujet de la prospection ? En France, la réglementation est particulièrement stricte. Le Code du Patrimoine consacre en son Article L.542-1 ce qui suit : "Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche".

Cette réglementation a pour objectif de protéger les sites archéologiques, connus et inconnus, de toute perte d’information relativement aux objets et à leur contexte. En pratique, un détecteur de métaux fonctionne comme un radar : après avoir balayé une zone, un signal sonore évoque, confirme et indique à l’utilisateur la présence d'un objet métallique et l’endroit où creuser. Certes, comme bon nombre d’entre nous le présume, en contexte de labours ou sur des zones ayant fait l’objet de travaux d’aménagement importants, les couches archéologiques ont pu être particulièrement perturbées sur une plus ou moins grande profondeur. Ainsi, la couche touchée par le labour – appelée "couche végétative" – peut être haute de près de 60 cm (comme en Wallonie picarde p.ex.). Autant dire que, si un site s’y trouvait, ce dernier n’existe plus ou a été arasé sur une hauteur à tout le moins égale au labour. Dans d’autres cas, l’impact d’une prospection peut avoir des conséquences directes et peut conduire à une perte importante d’informations utiles pour la compréhension du site (forêts, zones protégées…).

Mais que l’on ne s’y trompe pas. Sur les terrains préservés, le fait de creuser peut juridiquement être assimilé à une fouille non autorisée et dès lors expose l’auteur de ce geste à des poursuites judiciaires. L’utilisation d’un détecteur de métaux est une activité scientifique strictement réglementée. Elle requiert un accord préalable du propriétaire des lieux qui doit impérativement mentionner par écrit les intentions qui sont les siennes au sujet des objets susceptibles d'être mis au jour sur son fond. Chaque demande doit être adressée à la Direction régionale des affaires culturelles concernée. Au terme d’une procédure - au cours de laquelle le projet scientifique, la qualité du demandeur et l’intérêt de la recherche sont notamment analysées - l'autorisation est accordée ou non et, dans l’affirmative, elle prend la forme d'un Arrêté préfectoral (note 2).

Toutefois, de nombreuses personnes ne mesurent pas les conséquences de leurs gestes. Dans certains cas, comme souligné ci-dessous, les contextes ont été préservés intacts et le fait de creuser entrainera directement une perte d’information importante voire cruciale pour la compréhension du site. Des forêts, des prairies, des zones naturelles protégées recèlent d’innombrables vestiges parfois vieux de plusieurs milliers d’années. Si cette pratique n’était pas réglementée, le pillage deviendrait la règle, la fouille l’exception.

Une « Fibule en or » vendue sur Ebay ce jour pour 10.000 euros (Archeologia.be, 25 novembre 2013)

Dès lors que risque le prospecteur/vendeur ? S’expose-t-il à des poursuites ? La réponse est affirmative. En effet, l’Article 544-4 du Code du Patrimoine précise que « Le fait, pour toute personne, d'aliéner ou d'acquérir tout objet découvert en violation {du Code du Patrimoine} est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 4 500 euros. Le montant de l'amende peut être porté au double du prix de la vente du bien. (…) ». En outre, n’oublions pas que le propriétaire du terrain sur lequel la découverte a été faite peu légitimement et juridiquement la revendiquer et est dès lors susceptible de déposer également.

Et concernant Ebay, quid ? Pourquoi autorise-t-il la vente d’objets archéologiques aux origines douteuses ? Pourquoi de telles annonces ne sont-elles systématiquement supprimées ? Impossibilité de contrôler l’ensemble des annonces ? Peut-être (note 3). Toutefois, afin de protéger une ressource culturelle limitée, Ebay Europe ne devrait-il pas purement et simplement interdire la vente en ligne d’objets archéologiques dont l’origine est impossible à prouver ou démontrer ou interdire les annonces en fonction de la qualité du vendeur (particulier p.ex.) ? Nous sommes beaucoup à penser qu’Ebay devrait faire preuve de plus d’éthique et de déontologie comme il l’a fait en son temps avec les objets précolombiens depuis interdits à la vente sur Ebay USA. Car, ne l'oublions pas des dizaines d’annonces actuellement en ligne sur ebay.fr font explicitement mention de l’origine de ces objets : "objet de fouilles", "monnaies découvertes lors d’une prospection", "découvertes effectuées au détecteur", etc.



Un dossier à suivre.

Pierre-Emmanuel LENFANT
Archeologia.be, 25 novembre 2013

dernière mise à jour : 29 novembre 2013

Notes

Note 0 - 
L'annonce en question a été supprimée à la demande de l'Association HAPPAH qui m'a précisé - suite à la parution de cet article et par courriel - avoir fait cette demande de suppresion par l'entremise de la Page Facebook d'Ebay France. J'ai vérifié et cela semble être le cas:

Eric Champault (Ebay France, 25 novembre 2013):

"Bonjour. Un article qui vous concerne sur une vente d'objet archéologique issus du pillage au détecteur de métaux effectué ce week-end sur votre site de vente aux enchères. Objet vendu 10 000 euros tout de même...." http://archeologia.be/actualite19.html

La réponse donnée par Ebay (26 novembre 2013) fut la suivante:

"Bonjour, Je vous remercie de nous avoir fait part de cette vente. Nous avons transmis aux équipes concernées les détails de cette transaction. Ces derniers ont pu prendre les actions nécessaires. N'hésitez pas à nous signaler tout objet qui enfreindrait notre règlement. Cordialement, Julie"

De ce qui précède, vous l'aurez compris la copie écran n'est dès lors pas un montage et il est encore possible de trouver une trace de cette annonce via les références qu'elle portait : http://www.ebay.fr/

Enfin, et afin de faire taire une certaine rumeur, je rappelle que je ne fais pas partie de ladite Association et que, si cet article a été écrit, c'est en raison de la manière dont cette "Fibule en or" a été découverte et du parcours qui l'attendait.


Note 1 - L'assocation évoquée est l'Happah - Halte Au Pillage du Patrimoine Archéologique et Historique URL : http://www.halte-au-pillage.org/

Note 2 - Pour la Wallonie (Belgique), une telle possibilité devrait être également prévue par la réglementation car tel n’est pas le cas actuellement. Il y a là manifestement un frein à la recherche au regard de nombreuses archéologues, professionnels ou dépendant du milieu associatif, disposant des compétences requises.

Note 3 - « Ebay favorise la vente d’objets archéologiques et historiques provenant du pillage ! » (Source : Happah)

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