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Archeologia.be - L'Abécédaire de l'Archéologie
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Tournai - Pont des Trous - Pierre-Emmanuel LENFANT

Pont des Trous - Retour sur une initiative citoyenne en faveur d'un monument emblématique de la Ville de Tournai (2013-2019)


Philippe Pierquin est le secrétaire de l’ASBL "Les Amis de la Citadelle de Tournai", il a représenté l’ASBL dans ces différentes actions pour la préservation du Pont des Trous. Actif dans le collectif citoyen L’Escaut, c’est Vous ! , lors des ateliers citoyens « Au tour du Pont » et lors des différentes réunions de conciliation suivant les études d’incidence, il tentera de faire entendre la voix des défenseurs du patrimoine. Il défendait le choix d’un contournement et face aux décisions politiques essayera d’obtenir une solution qui défigure le moins possible le Pont des Trous, dans la lignée de la proposition des étudiants de la KUL qu’il rencontra à plusieurs reprises.

Pierre-Emmanuel Lenfant est l'auteur du réseau Archeologia.be. Tournaisien également, il s'investit depuis 2005 dans la défense du patrimoine culturel en France et en Belgique. Le 1er janvier 2022, il est devenu Vice-président de l'ASBL "Communauté Historia".

Dossier "Pont des Trous"


- Les grandes lignes de l'histoire du Pont des Trous
Le Pont des Trous : creuset de l'identité culturelle tournaisienne
- Revue de Presse
- Ressources documentaires


Lorsque le 25 juin 2013, les autorités communales de la Ville de Tournai annoncèrent que, dans le cadre d'un projet du Canal Seine-Nord Europe, la Région wallonne souhaitait faire sauter le "goulot d'étranglement" que constituait le Pont des Trous, nous avions la certitude que rien ne pourrait arrêter cela. L’objectif déclaré était de permettre le passage de bateaux de classe Va (3.500 tonnes limité à 2.000 tonnes vu la configuration des écluses et du fleuve) alors que les travaux ont été profilés pour la classe Vb (4.500 tonnes avec deux barges poussées).


Lors de cette annonce, quatre projets d’aménagement des arches seront ainsi présentés. Le premier consistait en un élargissement de l’arche centrale (en pierre). Le second proposait un pont des trous imagé prenant l’aspect d’une structure métallique en résille. Quant aux deux autres, ces derniers envisageaient des reprises en sous-œuvre se traduisant par une suppression des piliers. Le petit contournement, quant à lui, ne figurait pas parmi les options mises sur la table.


Pont des Trous - Option "Résille" - 2013 - Illustration provenant du bureau Greisch

Illustration provenant du bureau Greisch (2013)


Devant l’émotion suscitée, le 26 juin 2013, Philippe Pierquin et moi-même avons décidé de créer la page Facebook "Préservons l’identité du Pont des Trous, monument emblématique de la ville de Tournai". Par son entremise, nous souhaitions fédérer un maximum de personnes. Il ne faisait alors aucun doute que ce dossier allait s’inscrire dans le temps. Avec le projet du Canal Seine-Nord côté français, le Gouvernement wallon venait de faire de la mise à gabarit de l’Escaut un impératif nécessaire pour son redéploiement économique.

Dès l’entame, à côté de l'option "petit contournement", nous avons fait le choix de l’ouverture en tentant de trouver un compromis acceptable tant pour le patrimoine que pour l’économie à condition toutefois que le projet retenu  respecte ce qui définissait une porte d’eau médiévale : 3 arches en arc brisé, aspect fortifié et présence d’une courtine.


Malheureusement, le collège communal du 20 septembre 2013 valida le projet "résille" qui sera présenté officiellement le 5 novembre 2013. Dans les mois qui suivirent, toute une série d’initiatives furent prises afin de sensibiliser l’opinion publique : interventions dans la presse, lancement d’une première pétition, rencontre avec les « facteurs d’amour » (14 février 2014), etc.

Par l’entremise de notre première pétition, nous soutenions ce qui suit :


Sauvons le Pont des Trous, Monument médiéval emblématique de la Ville de Tournai (Belgique)! (7 décembre 2013)


Le Pont des Trous, vestige médiéval classé, est en sursis! En effet, en novembre 2013, la Ville de Tournai a annoncé que ce monument emblématique allait évoluer vers une "architecture contemporaine" avec des arches en résille et en inox. Or, pour nous, il nous semble inacceptable que nous soyons les témoins passifs de la destruction programmée d'un monument classé et unique en Europe
Par l'entremise de cette pétition, en toute conscience des enjeux économiques sous-jacents, nous rejetons le choix retenu car il ne s'inscrit pas dans l'intérêt de notre patrimoine. Nous ne pouvons accepter qu'un édifice chargé d'histoire voit ses arches en pierre remplacées par de la résille et de l'inox.
A cet égard, nous n’avons jamais contesté le fait historique que la partie centrale du Pont des Trous avait été détruite et reconstruite en l’adaptant aux besoins de navigation de l'époque. Toutefois, comme beaucoup de monuments historiques, le Pont des Trous a évolué au fil des siècles sans pour autant perdre les éléments qui le définissent en tant que porte fortifiée.
Pour nous, le projet soutenu par la Ville de Tournai va trop loin! La Cité des cinq clochers mérite mieux que cette fantaisie architecturale! Il n'est nullement question pour nous de remettre en cause le bien-fondé de la mise à gabarit de l'Escaut (Canal Seine-Nord). Nous refusons par contre la conséquence que cette mise à gabarit emporte sur notre Monument.
La question de la mise à gabarit de l’Escaut est ancienne. Ainsi, lors de sa reconstruction dans l’immédiat après-guerre, le pont des Trous fut rehaussé de 2m40. Les arches qui, quant à elles, avaient disparu partiellement suite à leur dynamitage en 1940, furent reconstruites en béton avec un parement de pierres, mais aussi élargies pour être adaptées à la navigation de l’époque. L’attachement des tournaisiens à un édifice si particulier eut raison de la volonté de certains de vouloir détruire  l’édifice. Ainsi, les parties manquantes furent restituées dans le respect de ce qui définissait une porte d'eau médiévale. L’emploi à l’époque de la méthode du béton précontraint fut salué comme une prouesse technique de premier ordre.

Photo de mai 1940 suite au dynamitage de l'édifice par les anglais

Photo de mai 1940 suite au dynamitage de l'édifice par les anglais

Le Pont des Trous vu de l’aval à la veille de son relèvement, 1946-1947. 
Des gabarits en bois préfigurent la hauteur que doit atteindre l’ouvrage d’art après l’opération.
Liège, Centre d’Archives et de Documentation de la CRMSF, fonds de la CRMSF, dossier Tournai 2.81


Dans les années 70, différents projets d’élargissement de l’Escaut seront également mis sur la table. Certains consistaient soit en un élargissement de l’Escaut au centre-ville, soit par la rive gauche (140 maisons détruites dont beaucoup datent du XVIIe siècle), soit par la rive droite (120 maisons d’à peine 20 ans détruites) avec pour conséquence que ces deux projets conduisaient notamment à la destruction du Pont des Trous. Une des autres propositions prévoyait même le contournement de Tournai par la création d’un nouveau lit de l’Escaut (avec pour conséquence près de 550 maisons détruites).

Néanmoins, face à la désapprobation de la population locale et grâce au soutien apporté par les bourgmestres de l’époque, ces propositions furent vite abandonnées. Finalement, la navigation fut mise en sens alterné. Le problème était alors provisoirement résolu permettant le passage de péniches chargées à maximum 2.000 tonnes.

Proposition de l'architecte Eric Marchal - Petit contournement - Pont des Trous (Tournai)

Proposition de l'architecte Eric Marchal - Petit contournement

La mise à gabarit de l’Escaut fut donc relancée avec le projet du Canal Seine-Nord Europe, mais les conséquences pour le pont des Trous nécessitaient une réaction forte de la part des citoyens au regard d’un projet inacceptable à leurs yeux. 


2014 est marquée par une valse d’hésitations étant donné les tergiversations côté français sur la pertinence de réaliser ou non le Canal Seine-Nord Europe. Notre initiative citoyenne conduisit cependant certains élus locaux à prendre conscience qu'il existait une forte désapprobation du projet "résille" au sein de la population. C’est dans ce contexte que la majorité au pouvoir à la Ville accepta l'idée de permettre à la population de s'exprimer par l'entremise d'une consultation populaire.


Cette consultation populaire fut décidée lors du Conseil communal du 27 avril 2015 à la suite d’une demande faite par l’opposition (Ecolo et CDH) ralliée à cette occasion par une partie de la majorité (MR). De façon surprenante (et toutefois totalement illégale) les citoyens furent amenés à choisir entre "pierre" ou "résille", sans possibilité d’exprimer un double "non" et inversement. Face à l'incertude du comptage d'un éventuel "double non", nous appellerons les tournaisiens à voter massivement pour la version de 1947. 

Nous étions le 25 octobre 2015 et à la question posée : "Etes-vous favorable à la solution, utilisée en 1947, qui consiste à placer un parement de pierre sur la superstructure en béton armé ?", une majorité de votants s’exprimèrent favorables à la solution de l'après-guerre. Au soir de la consultation populaire, le message adressé aux politiques était clair : la pierre et une certaine authenticité devront être préservées !


25 octobre 2015 - Consultation populaire - Tournai - Pont des Trous 

Dans le même temps, l’enquête publique relative à la demande de permis d’urbanisme débuta le 23 octobre 2015. Cette dernière comportait un phasage des travaux en 4 étapes. Lors de la consultation du dossier, nous prendrons connaissance que l’élargissement envisagé de l’Escaut passait de 23 m à 27 m au niveau du Pont-à-Pont.

En novembre 2015, une pétition (259 signatures) et une opération « carte postale » seront organisées par l'ASBL "Les Amis de la Citadelle de Tournai" pour défendre les arches (en pierres) du Pont des Trous. Le tout sera mené à l’issue de la présentation du projet « résille » et de nombreuses cartes postales seront envoyées conjointement à l'Administration et à la commune de Tournai.


Le 25 janvier 2016, le Ministre Maxime Prévot retira la phase IV du projet et invita le Collège communal à mettre en place un comité de pilotage participatif afin de soumettre un nouveau projet pour le Pont des Trous au plus tard pour le 30 juin de cette même année.

Suite aux réclamations formulées dans le cadre de l’enquête publique, une réunion de concertation est organisée entre les représentants du SPW, de la ville et des réclamants. Cette réunion a lieu le 3 décembre 2015 et donna naissance au collectif citoyen "L’Escaut, c’est Vous". Ce collectif était composé de citoyens, anciens armateurs, urbanistes et d’associations concernées par l’élargissement comme l’ARAHO (Association royale des Architectes du Hainaut occidental), ECOVIE, le groupe ROOSEVELT et les Amis de la Citadelle de Tournai. L’ASBL Pasquier-Grenier rejoignit le collectif un peu plus tard.

Le collectif citoyen proposa une alternative au projet de canalisation de l’Escaut. Ses actions se concrétisèrent par la participation à un Conseil communal extraordinaire le 7 mars 2016 et par la réalisation d’une émission communautaire - La folie des grandeurs - en collaboration avec la télévision locale NoTélé. Diffusée le 17 avril 2016, elle présenta à phase du projet une autre solution. Pour le Pont des Trous, le statuquo était recommandé vu la situation générale et la nécessité du tirant d’air à 7m était mise en question vu la configuration des ponts à Tournai et les objectifs du projet Seine-Nord (5,25m de hauteur libre)

Par la suite, dans le cadre du comité de pilotage participatif, des réunions et ateliers citoyens ("Au tour du Pont") seront organisées. 
Le 17 mai 2016, une première esquisse est proposée pour le futur  Pont  des  Trous  par  Olivier  Bastin (bureau Greisch). Les critiques fusent. Le rejet fut total. Il n’y a plus d’arches seulement un « bandeau » de pierres reliant les deux tours (Courrier de l’Escaut du 20 mai 2016).

Dessin du projet du Pont des Trous - Architecte Olivier Bastin - Bureau Greisch

Projet de l'architecte Olivier Bastin - Bureau Greisch


Le 31 mai 2016, l’architecte présenta trois "solutions".  Les  différents  protagonistes  sont  amenés  à  s’exprimer  autour  des  projets.  Dans  les  discussions  un  attroupement  se  fait  autour  du  projet présentant trois arches en pierre, inspiré des travaux de reconstruction de  1947.  Cela  suffit  pour  que  les  "facilitateurs"  qui  encadrent  les  débats  déclarent qu’un consensus a été trouvé... 


Le 7 juin 2016, lors d’un dernier comité, le projet définitif est présenté avec une arche centrale de 17m ! 

Le cahier des charges est assez précis : 12,5m avec lisses de guidage ou 17m sans. Vu les pontons à fleur d’eau, des lisses sont indispensables. Alors pourquoi 17 m ? Cette question demeurera sans réponse. Une certitude: ces travaux allaient être réalisés pour la classe Vb et pas pour les bateaux de classe Va !

Il ne faisait aucun doute que les dés étaient toutefois pipés puisqu'une note de cadrage s’imposait à tous les participants sans qu’il ne soit possible d’y déroger. Pire ! Par un tour de passe-passe, le choix exprimé lors de la consultation populaire devint subitement un projet "arches en pierre et rythme ternaire". Les ASBL défendant le patrimoine tournaisien furent invitées au sein de l’atelier "citoyen" mais noyées dans le flot de trop nombreux participants, leur voix sera totalement inaudible. De surcroît, organisés en semaine à 16 heures, les ateliers ne permirent pas une réelle représentativité.

Le 27 juin 2016, le conseil communal décide à l’unanimité de transmettre l’esquisse au ministre mais ne se prononce pas sur celle-ci. La proposition est celle d’un projet de trois arches gigantesques encadrées par les deux tours restantes réalisées sur base d’un croquis de l’architecte Olivier Bastin.


Le 21 novembre 2016, le permis pour la canalisation de l’Escaut (Pont à Pont, quai Taille-Pierre,...) est accordé.


Le 1er décembre 2016, le projet de l’architecte Oliver Bastin est officiellement présenté. De notre point de vue, le manque d’harmonie entre les arches encadrées par les deux tours massives dénaturait totalement le site.  A ce moment-là, il ne faisait aucun doute que notre mobilisation allait en prendre un coup : trois années de combat et des politiques tournaisiens incapables de comprendre ni l’enjeu patrimonial, ni l’importance de trouver un compromis acceptable pour tout un chacun.

Pont des Trous - Olivier Bastin

Projet de l'architecte Olivier Bastin - Bureau Greisch

Pour de nombreux tournaisiens, la différence entre l’image de la consultation populaire et la proposition finale s’apparentait à une trahison et surtout à un véritable déni de démocratie ! Malgré sa reconstruction de 1947, les citoyens voyaient en ce symbole l'expression d'une identité locale. Dans ce dossier, Tournai se trompait et les conséquences pour le patrimoine risquaient d'être dramatiques. Le bon sens et la clairvoyance avaient manifestement manqué et personne n’avait le courage de porter un projet qui puisse à la fois répondre au redéploiement économique et satisfaire les attentes légitimes des tournaisiens à l’égard de ce patrimoine emblématique.

C’est dans ce contexte qu’il fut décidé de lancer une seconde pétition au terme de laquelle nous plaidions pour ce qui suit:


Pont des Trous (Tournai) - Voici les options que nous portons! (3 décembre 2016)


Alors même que près de 9.000 Tournaisiens se sont exprimés ‐ au travers de la consultation populaire ‐ en faveur de l'édifice, alors même qu'ils ont manifesté leur attachement à une identité, une histoire, un matériau, constatons le passage en force des élus en ce qui concerne le futur du monument puisqu’il n’est plus question d’avenir! Aucun élu n'a donc entendu l'importance que revêtait l'édifice en termes d'identité locale. Aucun élu n'a dès lors cru bon d'entendre que, malgré les vicissitudes et les transformations rencontrées par l'édifice, les citoyens voyaient en ce symbole l'expression d'un patrimoine culturel immatériel.
Après réflexion, nous proposons les alternatives suivantes car le projet de l'architecte Olivier BASTIN ne répond nullement à nos attentes démocratiquement exprimées:

‐ L’option en pierre avec une adaptation des arches (la version la plus respectueuse de l'identité):
‐ L'option sans arches (mais cela va requérir du courage politique car les subsides seront en jeu, mais en même temps cela permettrait de juger la viabilité économique de la mise à gabarit de l'Escaut ‐ Option temporaire dans l'attente d'une solution définitive cela va de soi);
‐ L'option "Pour un nouveau projet pour une porte d'eau" (que nous pourrions exclusivement confier à des scientifiques (historiens de l'art, spécialistes du bâti) en organisant p.ex. un colloque sur le sujet);
‐ L'option "petit contournement" (plébiscité par des centaines de tournaisiens et qui aurait le mérite de préserver l'édifice et de permettre une mise à gabarit de l'Escaut requise pour le redéploiement économique de la Région).

En effet, selon nous, le projet retenu viole le prescrit de l'Article 11 de la Charte de Venise en ce qu'il stipule : "Les apports valables de toutes les époques à l'édification d'un monument doivent être respectés, l'unité de style n'étant pas un but à atteindre au cours d'une restauration. Lorsqu'un édifice comporte plusieurs états superposés, le dégagement d'un état sous‐jacent ne se justifie qu'exceptionnellement et à condition que les éléments enlevés ne présentent que peu d'intérêt, que la composition mise au jour constitue un témoignage de haute valeur historique, archéologique ou esthétique, et que son état de conservation soit jugé suffisant. Le jugement sur la valeur des éléments en question et la décision sur les éliminations à opérer ne peuvent dépendre du seul auteur du projet". La reconstruction/restauration réalisée après‐guerre atteste du bien‐fondé de notre action en ce que le projet actuel dénature fondamentalement l'édifice en portant atteinte aux aspects qui le définissaient.
Plus largement, participant clairement à l'identité locale, le projet actuel viole aussi le prescrit de l'Article 1er de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel adoptée par l'UNESCO en 2003 qui définit le patrimoine culturel immatériel comme étant "les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir‐faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine".
Bien que les contraintes calendaires existent, notre démarche n'a qu'un seul but: préserver un élément significatif du patrimoine culturel tournaisien. La présente initiative est citoyenne, démocratique et apolitique.


Le  27  avril 2017, les  travaux concernant les abords commencent officiellement.

Le 11 septembre 2017, Monsieur Demotte déclare sur Twitter qu’il est hors de question de toucher au Pont des Trous si le projet Seine-Nord (en France) ne se réalise pas ! (Courrier de l’Escaut du 12 septembre 2017).


Pendant plusieurs mois, le projet ne donna pratiquement plus signe de vie. Il fallut attendre le mois de mai 2018 pour voir l’étude d’incidence réalisée. Plus de 300 réclamations seront enregistrées à la clôture de l’étude le 17 mai 2018. La Commission consultative communale d'aménagement du territoire et de mobilité, de son côté, refusa le passage en force de l’Administration wallonne (Courrier de l’Escaut du 20 avril 2018). La réunion de clôture de l'enquête publique eut lieu le 29 mai 2018, sans résultat.


A cette occasion, nous n’avons d’ailleurs pas manqué de rappeler l’hypocrisie de ce dossier. En effet, comment l’Administration communale pouvait-elle justifier le décalage entre le choix exprimé lors de la consultation populaire ("solution, utilisée en 1947, qui consiste à placer un parement de pierre sur la superstructure en béton armé?") et le cadre dans lequel se sont inscrits les ateliers et réunions citoyens (que "le choix des tournaisiens s’est porté sur la pierre et un rythme ternaire des arches") ? La mauvaise foi dans ce dossier était une nouvelle fois plus qu’évidente. A contrario des attentes légitimes, c’est à nouveau une création architecturale qui était bel et bien envisagée. L’Administration wallonne confirma ses positions en présence d’un pouvoir communal totalement insensible à la problématique.

Lorsque l'enquête publique s'acheva et alors même que le 21 novembre 2013, le Ministre Carlo Di Antonio (CDH) déclarait publiquement qu’ "On ne touchera pas au Pont des Trous sans garanties", le même Ministre revint sur sa déclaration et précisa, le 5 juillet 2018, que les travaux auraient bien lieu même si la France décidait de ne pas financer l'élargissement du Canal Seine-Nord.


Or, il ne faisait aucun doute que cette "approche contemporaine" - surnommé "Pont MacDonald" - allait défigurer d’une manière irréversible un édifice remarquable en lui causant un préjudice irréparable étant donné la disparition des éléments constitutifs d'une porte d'eau médiévale. En parallèle, la Commission royale des Monuments et Sites avait déclaré de son côté qu’une procédure de déclassement total devait être initiée si un tel projet devenait réalité.


Pont MacDonald - Pont des Trous

Pont MacDonald - Pont des Trous

Le Pont des Trous caricaturé et surnommé "MacDonald"

Anonymes

C’est dans ce contexte tendu, que le 9 juillet 2018, nous avons déposé une Alerte Patrimoine auprès de l’Icomos International étant donné le risque d’un déclassement UNESCO du beffroi de Tournai. En effet, la création architecturale envisagée se situait dans le périmètre de protection UNESCO du beffroi et alors que la réglementation l’exige, aucune déclaration préalable ne fut introduite auprès de l’instance onusienne. Outre Philippe Pierquin et Pierre-Emmanuel Lenfant, contribuèrent à sa rédaction Ludovic Nys, docteur en histoire de l'art et Professeur à l'Université polytechnique des Hauts-de-France de Valenciennes et Jeoffrey Vandennieuwembrouck, historien de l'architecture.

Périmètre Unesco - Tournai - Beffroi

Beffroi de Tournai : Zone Tampon - UNESCO

Face à ce risque, nous finirons par fédérer les principales associations de défense du patrimoine tournaisien : les Amis de la Citadelle, Pasquier Grenier, la Société royale d’Histoire et d’Archéologie de Tournai. Sollicités également les partis politiques tournaisiens se positionnèrent successivement. Le mouvement "Ensemble!" fut le premier à s’exprimer sur le sujet suivi par le MR et Défi. Pour "Ensemble !", si le projet du canal Seine-Nord Europe ne devait être réalisée, nous ne devrions pas toucher au Pont des Trous et, dans l'affirmative, il conviendra de respecter le choix des citoyens lors de la consultation de 2015. Quant au MR, ce dernier regrette le projet Bastin dont les premières esquisses, sans échelle, étaient trompeuses et souscrit à la demande de l’ICOMOS. Le parti Ecolo, après avoir tergiversé au moment d’apporter son soutien à l’alerte patrimoine, approuve le moratoire. Le PS soutien le moratoire mais renvoie à Namur et au gouvernement MR-CDH.


Sur base de notre rapport, toute une série de recommandations furent émises par ICOMOS International et adressées le 9 août 2018 aux différents acteurs impliqués dans ce dossier. Aucune d’entre elles – notamment celles relatives à un moratoire jusque fin 2019 afin de permettre de remettre le projet à plat et d’en évaluer les conséquences sur la ville et son patrimoine ainsi qu’à une meilleure prise en compte des attentes de la population – ne furent suivies, ni mises en œuvre.


Le projet retenu pour le Pont des Trous – celui de l’architecte Olivier BASTIN - allait à l’encontre des principes fondateurs qui gouvernent le respect dû à un élément patrimonial emblématique et dont l’intérêt sur le plan esthétique et scientifique dépasse le cadre régional.

Le 16 janvier 2019, nous lancions une ultime pétition libellée comme suit :


Sauver le Pont des Trous, c'est sauver le Patrimoine mondial de Tournai!

La Ville de Tournai, en Belgique, possède deux monuments exceptionnels qui font sa fierté et attirent les touristes : son beffroi et sa cathédrale, tous deux d’époque médiévale. Ils ont été classés voici près de vingt ans au titre de "Patrimoine mondial de l’UNESCO".
Mais aujourd’hui, ce label, essentiel pour l'attractivité de cette Ville, est gravement menacé! Des travaux d'aménagement des quais sont actuellement menés par la Région wallonne afin de porter à grand gabarit le cours du fleuve Escaut. Or, ces derniers situés dans le périmètre de protection des deux édifices classés n’ont pas été déclarés auprès de l’UNESCO, ce qui pourrait conduire l'instance onusienne à sanctionner Tournai en la privant de ce précieux sésame. 
Nos craintes se justifient par le fait que les recommandations formulées par l'ICOMOS International n'ont pas été suivies et ont conduit cette organisation à saisir officiellement l'UNESCO de cette problématique.
Toutes et tous, disons au Gouvernement wallon qu'il est impératif de respecter les recommandations formulées par l'ICOMOS International. Disons-lui également qu'il est impératif de geler immédiatement les travaux envisagés sur les quais et sur le Pont des Trous et, vu le risque de déclassement, recommandons-lui qu'il prenne l'initiative de se mettre en rapport avec l’UNESCO afin de tout mettre en œuvre pour éviter une sanction qui pourrait être fatale à la Ville de Tournai!
A tous nos représentants : il faut sauver Tournai, son beffroi et sa cathédrale!

Sauver le Pont des Trous, c'est sauver le Patrimoine mondial de Tournai!


Cette pétition fut lancée à l'initiative du réseau Archeologia.be et des associations tournaisiennes "Les Amis de la Citadelle", "Pasquier-Grenier" et "Les Amis de la Cathédrale de Tournai". Le 24 janvier 2019 : la "Société royale d'histoire et d'archéologie de Tournai" s’associa à ce front commun associatif! Interpellé par la problématique, Stéphane Bern la signera personnellement.


Malgré les craintes exprimées, rien n’y fera et le Conseil communal vota le 28 janvier 2019, majorité contre opposition, la modification de la voirie communale et le plan d’alignement. Le projet de l’architecte Olivier Bastin était donc validé malgré le risque ! A ce moment-là, la question d’un recours en extrême urgence devant le Conseil d’Etat fut discutée en interne. Lors de ce même Conseil communal, le bourgmestre Paul-Olivier Delannois mit au défi les représentants d’Ensemble (mouvement citoyen dans l’opposition) de faire bouger les choses en s’adressant eux-mêmes à Namur.


Et, rebondissement, le 19 mars 2019, l’annonce fera l’effet d’une bombe. Suite à une rencontre entre des représentants du mouvement citoyen  Ensemble! et le Ministre Carlo Di Antonio (cdH), la Presse est informée de l’abandon du projet Bastin (Courrier de l’Escaut du 20 mars 2019). Des garanties seront alors données pour préserver une version traditionnelle. Cet ultime rebondissement avait fait l’objet d’une discussion en interne et fut validé par Pierre-Emmanuel Lenfant au cours d’une discussion entre ce dernier et Benjamin Brotcorne, Chef de file du mouvement Ensemble ! Nous étions convaincus que l’épilogue pour éviter le pire était en train de s’écrire. Nous marquâmes donc notre accord sur les grandes lignes d’un projet auquel nous ne serons finalement pas associés. L’idée d’un recours devant le Conseil d’Etat était définitivement abandonné.

Interrogé par Notélé, nous indiquions une nouvelle fois que nous n’étions pas contre une modification mais que nous craignions un déclassement du Beffroi à l'Unesco.

Le 21 mars 2019, plusieurs membres de la majorité communale emmenés par Monsieur Delannois, Bourgmestre, se sont rendus au siège de l’UNESCO à Paris. Les déclarations de ce dernier attestèrent du bien-fondé de nos craintes : un risque de déclassement pesait bel et bien sur le patrimoine mondial de Tournai. Comme nous l’avions indiqué, de nombreux éléments n’ont pas été portés à la connaissance de l’organisation onusienne (dont une étude d’impact sollicitée à de multiples reprises notamment par l’ICOMOS International).

A la même période, Raymond Brulet, Enseignant-chercheur en archéologie de premier plan, s’insurge quant au projet d’aménagement actuel et son impact général sur le centre-ville de Tournai en déclarant : "Le Pont des Trous aurait pu être candidat à l’Unesco" (Le Soir, 5 mars 2019)


Le 28 juin 2019, le communiqué suivant fut adressé à l’attention du Ministre Carlo Di Antonio :


Les défenseurs de l’image historique du Pont des Trous ont pris connaissance du permis d’urbanisme délivré par le fonctionnaire délégué de la Région wallonne ce 27 juin 2019. Ce permis impose, après la "déconstruction" de la partie centrale de l’ouvrage d’art, une reconstruction la plus proche possible de l’existant, avec une arche centrale libérant un gabarit de passe navigable de 12,50 par 7 m.

Nous saluons le fait que le permis corresponde bien à ce que le ministre avait annoncé en mars.

Nous saluons le fait que, ce faisant, le résultat de la consultation populaire de 2015 est toujours respecté.

Nous regrettons cependant que l’arche centrale, même si elle est beaucoup mieux proportionnée que celle des premières esquisses de 2013, reste en disharmonie avec les arches latérales, à cause de la hauteur du gabarit de la passe navigable ;

Une arche centrale de dimension minimale de 12,50 m, que nous souhaitions, imposait bien sûr au-dessus d’elle une courtine en forme de passerelle traitée de façon contemporaine. Nous étions prêts à accepter cela pour favoriser l’harmonie générale du nouveau Pont des Trous et manifester la "blessure" subie par le monument, donnant ainsi du sens à sa restitution (ne pas donner l’impression que rien ne s’est passé).

Nous attendons donc ce que dira à ce propos le Comité du patrimoine mondial dans les prochains jours, lors de sa réunion annuelle à Bakou, en Azerbaïdjan.

La Région wallonne saura alors si elle a bien ou mal fait dans cet épineux dossier.

Ce dernier fut cosigné par Pierre-Emmanuel Lenfant, porte-parole (Réseau Archeologia.be), Philippe Pierquin, asbl Les Amis de la citadelle de Tournai, Catherine Guisset-Lemoine et Louis-Donat Casterman, asbl Pasquier Grenier ainsi que Ludovic Nys, docteur en histoire de l’art


Le 4 juillet 20219, un communiqué est mis en ligne car nous nous inquiétons de l’absence de suivi notamment sur le plan archéologique et scientifique face à une "déconstruction" imminente.


A la notion de "déconstruction" privilégions celle de la "destruction". Politiquement moins correct mais bien moins hypocrite.
D'ailleurs, sur base du photomontage repris en annexe, il ne fait aucun doute que la méthodologie envisagée n'est pas la bonne et je dirai même qu'elle est plus que problématique!
Or, dans ce dossier, puisque le cadre devrait être a minima scientifique, il est important de rappeler ce qui suit:

1) Aucune synthèse des études historiques menées sur l'édifice n'a été faite ;
2) Aucun relevé détaillé de l’existant avec une cartographie "pierre par pierre" et des différentes phases de construction, évolution, reconstruction n'a été réalisé ;
3) Aucun diagnostic, ni étude d'impact, ni étude de risques n'ont été menés sur les tours, sur les berges (zones archéologiques) et sur les parties de l'édifice non concernées par la "déconstruction" ;
Comme vous le savez, ce travail préparatoire est crucial car il conditionne la suite de ce dossier.
Il est donc nécessaire que l'Autorité wallonne fasse des propositions sur les méthodes (réemploi) et les matériaux qui seront utilisés dans le cadre de la "restauration". Il est par ailleurs nécessaire afin que, sur le plan scientifique, nous puissions juger de la recevabilité du projet qu'un plan détaillé soit proposé; nous ne pouvons pas limiter notre jugement sur base d'un simple croquis. Toutes ces étapes ne pourront être menées à bien sans qu'un calendrier des études et des travaux de démantèlement et de reconstruction ne soit fixé dans les plus brefs délais. Or... Il n'y en a pas et nous apprenons que le "démantèlement" sera lancé le 2 août prochain... sans certitude que les arches soient un jour reconstruites.
Vu les moyens alloués pour certaines dépenses futiles, je ne pense pas qu'il soit déplacé d'exiger de la rigueur et du sérieux dans ce dossier. Bref. Une nouvelle fois. Scandaleux!

Le 10 juillet 2019, la question du Pont des Trous, du musée des Beaux-Arts et du Smart Centre furent évoqués lors de la 43ème session du comité du patrimoine mondial de l'UNESCO qui s’est tenue à Bakou en Azerbaïdjan. L’interpellation qui n’était pas inscrite à l’ordre de jour ne permit pas d’avoir un positionnement clair de la part de l’UNESCO. Au moment d’écrire ces lignes, la procédure suit toujours son cours.

La "déconstruction" devint réalité le 2 août 2019 et ne manqua pas d’en interpeller plus d’un. La violence de la destruction suscita tollé et indignation dans de nombreux médias européens. 


Tournai - Pont des Trous - Pierre-Emmanuel LENFANT


Tournai - Pont des Trous - Pierre-Emmanuel LENFANT


Tournai - Pont des Trous - Pierre-Emmanuel LENFANT


Pont des Trous - Pierre-Emmanuel LENFANT


Pont des Trous - Pierre-Emmanuel LENFANT



En septembre 2019, la reconstruction du Pont des Trous était lancée.

La version "arche centrale élargie et lisses de guidage" est donc devenue l’architecture définitive de l’édifice.

 


Sur le plan scientifique, difficile de se voiler la face, la reconstruction menée dans le prolongement de la "déconstruction" est problématique à plus d’un titre. L’édifice n’est qu’une pâle reproduction de ce qui a été avec une arche centrale clairement disproportionnée et une courtine broyée par cette dernière. Plus largement, cette nouvelle architecture interroge au regard des principes mêmes qui auraient dû gouverner sa restauration. D'aucuns soutiendront, avec un certain sarcasme, que les générations futures se feront peut-être à la vue de cette caricature étant donné une société qui s'interroge de moins en moins. D'autres, au contraire, auront d'office un avis plus tranché : cette construction est grotesque et elle le restera. Selon eux, Tournai disposera à présent d'une construction ridicule qui défigure les deux tours. Comme nous l’avons dit et relayé, outre le petit contournement, d’autres projets auraient pu être davantage mis en avant tel celui de l’architecte tournaisien Michel Wiseur ou encore celui porté par les étudiants du « Raymond Lemaire International Centre for Conservation » de la KU Leuven. Dans ces exemples, l'arche centrale serait devenue le témoin de sa propre disparition en mai 1940. Entre démonstration par l'absurde de ce qu'il ne faut pas faire en architecture et confirmation d'un assujettissement politique d'un emblème citoyen...


Sur le plan démocratique et sous l’angle du patrimoine culturel immatériel, la critique doit être nuancée. Cette reconstruction répond en partie au choix exprimé lors de la consultation populaire. Le 25 octobre 2015, le message adressé aux dirigeants wallons était clair : la pierre et une certaine authenticité devront être préservées. A cet égard, les centaines de commentaires validant cette nouvelle architecture attestent du bien-fondé et de la légitimité des actions qui furent les nôtres au cours de ces années. D'ailleurs, la valeur sociale du patrimoine ne se mesure-t-elle pas à la ferveur que la population porte à son attention ? A titre personnel, je comprends et partage l'émotion rencontrée sur les réseaux sociaux, mais je m’interroge aussi sur cette majorité silencieuse avec cette question : se reconnaîtra-t-elle dans le nouvel édifice ?... car telle fut en définitive la raison même de notre combat.

La saga du Pont des Trous a mis en évidence le gommage et la malhonnêteté d'un pouvoir politique qui n'a pas hésité à renier et décrédibiliser le travail de ses prédécesseurs en surlignant l'erreur qu'avait constitué, selon eux, le classement en 1991 du Pont des Trous dans sa version de 1947. Or, ce classement a été débattu par des professionnels du patrimoine et c'est bien cette version récente du Pont des Trous qui était protégée par la Loi en raison de sa valeur esthétique et scientifique ! D'ailleurs, une ultime question devra être tranchée : les arches ainsi modifiées doivent-elles conserver leur classement ? Selon nous, la réponse est négative et nous invitons la Ministre compétente à entamer les démarches nécessaires pour ce faire.

La majorité politique de la ville de Tournai n'est pas en reste dans le maquillage actuel. Elle n'a pas hésité une seule seconde à s'enorgueillir du résultat final alors qu'elle n'y est absolument pour rien. Le Bourgmestre en titre n'a d'ailleurs jamais caché le fait qu'il était absolument opposé à l'idée d'organiser une consultation populaire estimant dispendieux le coût de l’opération ou encore justifiant son refus étant donné qu'une telle consultation n'était absolument pas contraignante. Pire. Sans le revirement de dernière minute qu'a connu ce dossier, cette même majorité vanterait aujourd'hui les mérites du projet de l'architecte Olivier Bastin... qu'elle approuvait d'ailleurs à l'époque et sans aucune retenue. La force tranquille de l'hypocrisie...

Dans ce dossier, malgré la très forte mobilisation citoyenne, le pouvoir politique n'a pas pris la mesure de l’importance du symbole que représentait le Pont des Trous. L’édifice relevait tout autant de la valeur sentimentale ou affective qu’architecturale et historique. Il était à la fois l'âme, le cœur et l’emblème de la cité de cinq clochers. La violente agonie de cette image d’Epinal constitue un précédent regrettable car, de cette mise à gabarit, Tournai n’y gagnera rien.

Certains chercheront sans nul doute à décrédibiliser ce propos évoquant que nous étions dans l'émotion ou des extrémistes attachés à de (fausses) vieilles pierres. D'ailleurs, ce discours est celui que l'on rencontre un peu partout dès lors qu'il est question de défendre un élément de notre patrimoine culturel : couvent des Récollets de Nivelles, église des Récollets de Binche, kiosque de Fosses-la-Ville, etc. Il vise tant à décrédibiliser qu'à infantiliser. A ceux-là, nous répondrons que ce dossier n'a pas manqué de retenir l'attention d'une multitude de spécialistes, de dizaines de milliers de personnes signataires des différentes pétitions et surtout des recommandations formulées par l'ICOMOS International sur base de notre rapport ! La légitimité ne se démontre pas. Elle se constate. Et pendant ce temps, la procédure devant l'UNESCO suit son cours...

Par comparaison aux autres dossiers dans lesquels je me suis investi depuis, il ne fait aucun doute que cette problématique "Pont des Trous" illustre les errances politiques dans la compréhension d’un enjeu patrimonial. Avec une réelle prise en compte des attentes citoyennes  et des partis disposant d’une lecture pragmatique de la force du patrimoine, le 15 avril prochain, nous aurions pu célébrer le renouveau d’un édifice en phase avec son temps. Or, ici, il n’y sera que pour partie… Nous avons évité le pire et nous n’aurons pas le meilleur. 


Pierre-Emmanuel Lenfant

6 avril 2023

Pont des Trous - Pierre-Emmanuel LENFANT

Pont des Trous - Pierre-Emmanuel LENFANT

Pont des Trous - Pierre-Emmanuel LENFANT

Pont des Trous - Pierre-Emmanuel LENFANT

Photos : Pierre-Emmanuel LENFANT - Archeologia.be

Archeologia.be